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Axe 3 : Cultures savantes et cultures populaires

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Axe 3 : Cultures savantes et cultures populaires

Les travaux sur les cultures savantes et les cultures populaires dépassent l’idée d’une fracture nette entre savoirs « majeurs » et phénomènes culturels minorés (Deleuze 1975) pour interroger la dialectique entre centre(s) et périphérie(s), dans une approche aussi bien synchronique que diachronique. Les phénomènes de décentrement, d’excentricité, de dissidence, de marginalisation concernent aussi bien les périodes anciennes que contemporaines.

Les études médiévistiques (ainsi que les travaux sur les rémanences de schèmes médiévaux dans des productions postérieures) interrogent l’assignation de genres littéraires, de registres ou de langages à un domaine « populaire » (vs « savant ») et invitent à dépasser ce clivage en ce qu’il peut avoir d’artificiel et d’anachronique. Les études littéraires et culturelles sur les périodes pré-modernes et modernes sont en permanence confrontées à l’émergence du pluralisme confessionnel dans les pays européens après 1517, à l’expression d’opinions étiquetées comme « hérétiques », à des trajectoires individuelles marginales, à la progression de la censure des imprimés et aux bornes mouvantes, imposées par des instances de pouvoir ou des opinions publiques, entre idées « acceptables » et « inacceptables ». L’approche historiographique montre que les discours changent sur le statut des objets culturels, que le rapport aux récits du passé n’est pas figé. Les voix marginalisées du passé deviennent les voix populaires d’une autre génération, tandis que la culture populaire s’empare de la culture savante pour la vulgariser.

L’étude de la relation dialectique entre cultures savantes et cultures populaires permet de mettre au jour les histoires, les représentations, les modes d’écriture et les idiolectes occultées dans les récits dominants, tout en analysant comment ces récits autorisent ou non la résurgence de ces voix qu’ils cherchent à faire taire. Dans la lignée des travaux sur l’histoire populaire des nations (Howard Zinn, États-Unis ; Gérard Noiriel, France ; Hamadou Hampâté Ba, Mali), on peut s’intéresser plus particulièrement aux récits, expressions artistiques et voix des populations marginalisées, ainsi qu’aux figures qui se situent en relation dialectique avec les pouvoirs en place, telles celles du philosophe, de l’écrivain, de l’historien, de l’artiste ou du griot, qui se donnent pour mission de faire entendre l’« impossible parole » (R. Barthes) des opprimés, qu’ils appartiennent à des minorités sexuelles, ethniques, ou religieuses. L’enjeu est alors de déconstruire des procédés culturels d’altérisation et d’invisibilisation et de pointer également les lieux de leurs résurgences tout en mettant en lumière les stratégies de résistance et de décentrement qui s’y déploient. Cette réflexion invite également à interroger les processus de (dé)légitimation de ces discours alternatifs – rejet, prise en compte ou récupération, en privilégiant l’étude des voix opprimées dans l’espace colonial et postcolonial et, d’une façon plus générale, dans la constitution d’une Histoire dont l’écriture vise aussi à « ménager l’oubli » (D. Manotti).

 

Dans ce cadre, une place particulière est à accorder : aux textes dits « mineurs » du Moyen âge et de l’âge moderne du fait de leurs choix linguistiques (occitan vs langue d’oil, langues vulgaires vs latin etc.) ou énonciatifs (voix féminines), de leur diffusion restreinte et de leur réception (écrits circulant sous forme manuscrite à l’âge de l’imprimé), de leur vocation pratique (manuscrits de théâtre), de leur appartenance à des genres « secondaires » (manuels éducatifs, récits ou guides de voyage, correspondance, nouvelles…), ou de leur nature dérivée (traductions-adaptations, « textes voyageurs ») ; à des contre-récits longtemps objets de mépris (contes, littératures vernaculaires, oralité) ; à des trajectoires biographiques « dissidentes », toutes époques confondues ; aux performances et spectacles, aux phénomènes médiatiques populaires contemporains (films, séries télévisées) qui invitent à une réflexion sur les croisements entre discours légitimes et « illégitimes » et sur la tension entre modèles majeurs et modèles mineurs ; aux arts visuels, tout particulièrement depuis la période postmoderne, qui ont généré des théories, des discours et des pratiques et qui se réfèrent souvent à une « culture de la résistance » ; aux essais et discours philosophiques qui prennent à bras le corps ces questions aux confins du politique et de l’esthétique.

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